LETTRE OUVERTE A HEDI KHLIL
LETTRE OUVERTE A HEDI KHLIL
En réponse à l’article « Du court métrage tunisien. Nébuleuse et verbiage. »
Cher Monsieur,
Vous êtes l’un des plus illustres journalistes cinématographiques de Tunisie. Vous écrivez dans nombreux organes de presse très régulièrement et vous publiez des ouvrages spécialisés. Vous êtes par ailleurs universitaire et en ce moment-même (depuis le 7 avril jusqu’à la fin de ses travaux) vous êtes président de la commission d’octroi de l’aide à la production cinématographique.
Vous venez de publier à la date du samedi 06 juin 2009 dans les colonnes du journal La Presse, au sein de la Page Cinéma hebdomadaire du journal, un article intitulé « Du court-métrage tunisien. Nébuleuse et verbiage. »
En tant que nouveaux cinéastes s’étant réunis autour de la passion et des métiers du cinéma et désirant pour sa réactivation tant artistique qu’économique dans le pays, nous réfutons certains points de votre article.
Nous les réfutons car ils témoignent :
- D’une carence de déontologie d’un point de vue humain :
Pour commencer avec ce qui nous semble être le plus grave: vous ne respectez pas la déontologie de votre métier en vous attaquant de façon personnelle à tout un groupe. Certes, vous ne citez aucun nom dans vos attaques mais c’est peut-être plus grave: vous généralisez ainsi n’épargnant personne avec des phrases telles que: «Plusieurs jeunes devraient faire beaucoup de travail sur eux-mêmes, psychologiquement, culturellement, socialement, avant de se lancer dans le «petit» ou le «grand» bain... Un film, ce n’est pas un «gadget» ni une thérapie personnelle dont le but est de combler un peu plus d’autosatisfaction. » Vous vous attaquez à toute une génération de nouveaux réalisateurs, techniciens, comédiens, producteurs... de courts-métrages et ce n’est pas peu grave.
- D’une carence de partialité d’un point de vue formel :
Le fait de présider l’actuelle commission d’octroi de l’aide à la production et de publier un article destructeur sur l’ensemble d’une production dans le cours même de son mandat est pour le moins problématique. Quand de plus, au sein même de l’article vous écrivez: «On se demande même, mis à part quelques rares exceptions, comment certains courts métrages ont pu bénéficier d’une aide à la production.» nous ne pouvons nous empêchez de poser la question: le Président d’une commission a-t-il les prérogatives d’utiliser son statut de journaliste pendant la durée de son mandat pour parler de la commission dont il est à ce moment-là le président ?
- D’une carence de connaissances d’un point de vue journalistique :
La même phrase que nous venons de citer suscite aussi un souci journalistique car vous ignorez ou vous cachez le fait qu’il y a eu en 2008 dans notre pays prés de 40 courts-métrages professionnels et que 8 seulement ont été en partie subventionnés par l’état, ce qui est une proportion relativement faible pour ne pas dire très faible. Vous ignorez ou vous cachez aussi ce que tout le secteur du cinéma sait à savoir que le problème qui se pose avec les commissions d’aide n’est pas celui de la qualité ou pas des films subventionnés. Aussi vous semblez méconnaitre ou vouloir passer sous silence une partie importante de la production de courts-métrages en Tunisie. Cette partie importante est celle des films de qualité, c'est la meilleure partie qui contient un nombre non négligeable de films. Se sont des courts-métrages intéressants et prometteurs sélectionnés et primés dans nombreux festivals internationaux et nationaux.
- D’une carence de pertinence d’un point de vue critique :
La critique exclusivement négative est bien entendu légitime et est un droit inaliénable. Le problème qui se pose avec votre article est qu’il n’est pas étayé, construit et argumenté de façon pertinente. Par exemple vous ne cessez de reprocher aux réalisateurs d’être des donneurs de leçons alors que tout votre article n’est qu’une succession de règles morales que vous imposez ou de règles tout court qu’un professeur assènerai à son élève.
Cher Monsieur, vous dites «jeunes» (comme si ce mot avait un sens en cinéma). Nous ne sommes plus tout à fait «jeunes» mais nous nous sommes permis de vous répondre pour vous dire que nous ne sommes pas d’accord avec vous: certes beaucoup de films sont mauvais mais certains sont à contrario excellents, tout le monde n’est pas à mettre dans le même sac d’insultes. Nous vous répondons aussi pour vous signaler que votre article n’aidera sans doute à rien dans le paysage cinématographique tunisien, surtout pas d’ailleurs à réinstaller un climat de respect et de confiance mutuelle. Enfin, votre article brouille les pistes quant aux rôles, aux droits et aux devoirs respectifs d’un critique d’une part et d’un président de commission d’octroi de l’aide à la production d’autre part.
LE COLLECTIF INDÉPENDANT D'ACTION POUR LE CINÉMA