REFORME ET DEVELLOPEMENT DU SECTEUR CINEMATOGRAPHIQUE EN TUNISIE : LE CENTRE TUNISIEN DE LA CINEMATOGRAPHIE
VII
LE CENTRE TUNISIEN DE LA CINEMATOGRAPHIE
A – INTRODUCTION
Le projet est donc global et colossal mais il n’est ni irréaliste ni irréalisable. Ceci étant dit, vu l’ampleur de la réforme et le probable développement du secteur cinématographique en Tunisie, la création d’un Centre Tunisien de la Cinématographie est capital pour la réussite tant de la réforme que du développement.
Aujourd’hui, il y a une urgence de sauver le secteur du cinéma à travers l’organisation et l’accompagnement des œuvres cinématographiques. Le C.T.C. sera une structure financièrement et administrativement indépendante.
Le CTC aura pour missions de :
-réglementer le secteur cinématographique à travers les agréments de classification des films et des salles, des sociétés de productions, de la carte professionnelle, de l’autorisation de tournage et du visa d’exploitation.
-accompagner la production et la coproduction des films nationaux, la distribution et l’exploitation des films en salles, l’édition vidéo, promouvoir la cinématographie nationale à l’intérieur du pays ainsi qu’à l’étranger, la Tunisie comme immense plateau de tournage, les anciens et éventuels nouveaux festivals de cinéma.
-coopérer avec les éventuels partenaires ; le ministère de la communication (relation cinéma-télé), le ministère de l’éducation et le ministère de l’enseignement supérieur, avec la fédération tunisienne des cinéastes amateurs, avec la fédération tunisienne des ciné-clubs, les associations, les gouvernorats, les centres cinématographiques de cinéma (traités et conventions de coproduction), etc.
Le futur Centre Tunisien de la Cinématographie nécessitera de fait un budget assez consistant pour parvenir à mettre en pratique les projets reliés au secteur cinématographique et réalisé ainsi pleinement sa mission. Deux impératifs s’imposent donc logiquement : l’augmentation du budget du Ministère de la Culture et la création de nouveaux mécanismes de financement particuliers au C.T.C.
B – PROPOSITIONS
Mesures pour le financement de la culture en général et le futur Centre Tunisien de la Cinématographie en particulier.
1 – Mettre en place une « Taxe Culture »
Etant donné que le 7ème art est l’art qui englobe toutes les autres disciplines artistiques, l’évolution de l’art cinématographique est fortement liée à celles des autres arts. Une augmentation du budget du Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine permettra plus de développements et de diffusions de toute œuvre artistique au niveau national et international. Par son caractère hybride, l’art cinématographique est un carrefour où tous les autres arts se rencontrent et se cheminent pour donner une œuvre d’art d’où l’importance d’accompagner ces différentes disciplines en leur octroyant plus de moyens. En fait, l’augmentation du budget global du Ministère de la Culture se traduira par une augmentation de chaque département relié à chaque discipline artistique.
Mettre en place une « Taxe Culture » imposée à des entreprises réalisant un chiffre d’affaires dépassant 1MD et qui est de l’ordre de 1% sur les bénéfices imposables. Cette taxe sera repartie entre les différents départements reliés aux activités artistiques avec une partie importante affectée à l’instance chargée du secteur cinématographique.
2 – Réinstaurer la taxe sur les produits alcoolisés
Dans les années 80, il y a eu un fleurissement dans la production nationale des films qui ont été bien accueillis tant au niveau national qu’international. L’un des facteurs de cette éclosion de talents était un accompagnement intelligent et un soutien continu de la part de l’état tunisien. Le fond culturel de la taxation des produits alcoolisés gênerait plusieurs milliers de dinars permettant le financement de plusieurs films de qualité. La taxe a disparu après que le secteur ait pu être relancé et toute une machine de production installée avec un engouement public pour les productions nationales. Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire que ce fond soit réactivé pour participer à la relance du secteur cinématographique.
3 – Taxer tous les moyens de la chaine du piratage
Le piratage est un fléau qui cause beaucoup de dégâts à toutes les industries artistiques et spécialement cinématographique. Il est l’un des éléments qui ont précipité la fermeture forcée de plusieurs salles de cinéma. Aujourd’hui, le piratage est devenu un ennemi très subtil vu les moyens permettant son existence et son élargissement. Il faudra instaurer une taxation sur tous les supports permettant la copie, la duplication, la diffusion et l’accès illégal aux œuvres artistiques (DVD, lecteurs, écrans, graveurs, fournisseurs d’accès internet, etc.) tout en travaillant sur un plan national de sortie progressive du piratage[1]. Cette taxe sera répartie entre les différents départements reliés aux activités artistiques avec une part importante affectée au C.T.C.
4 – Taxer les films publicitaires
Etant donné que le secteur publicitaire est l’un des secteurs les plus développés dans l’audiovisuel national tunisien, il est nécessaire d’instaurer une taxe sur les produits publicitaires qui reviendra au C.T.C. Cette taxe s’inclut dans une politique de partage des richesses et de développement du secteur.
5 – Créer un petit pourcentage de la redevance télévision de la S.T.E.G. allant au cinéma
La fabrication et la diffusion des œuvres cinématographiques ont toujours eu leur part de la consommation nationale de l’électricité. Il est logique qu’une part de la facture payée par chaque citoyen revenant de droit à télévision nationale soit aussi répartie avec le C.T.C.
Ainsi, toute la culture et le cinéma en particulier, à travers son Centre Tunisien de la Cinématographie pourront jouir de plus de moyens à l’expression de leur créativité et la diffusion de l’image, de l’art et de la culture tunisienne à travers le monde. D’autre part, de cette manière, le futur Centre Tunisien de la Cinématographie aura de facto les moyens nécessaires susceptibles de garantir le développement rapide et fiable du secteur cinématographique en Tunisie dont voici quelques autres aspects hormis ceux déjà cités tout au long de ce rapport.
Mesures administratives, législatives et fiscales faisant partie des prérogatives logiques du futur Centre Tunisien de la Cinématographie.
6 – Accompagner le laboratoire
Avec la disparition de la S.A.T.P.E.C., beaucoup de projets cinématographiques ont été avortés ou ont cherché à s’accomplir à l’étranger. Aujourd’hui, la Tunisie est dotée d’un nouveau laboratoire qui peine à attirer plusieurs projets nationaux et internationaux. Le C.T.C. pourra intervenir en encourageant les films subventionnés d’effectuer une partie ou la totalité de la postproduction au sein du laboratoire.
7 – Créer une Agence Nationale de Promotion de la Cinématographie Tunisienne
Le cinéma tunisien a connu un regain dans le monde du cinéma ; la critique internationale, les festivals, les producteurs, les diffuseurs, etc. Il faudra créer une agence qui s’occupera de la promotion de la production nationale auprès de ces anciens partenaires.
8 – Exonérer des impôts les nouvelles sociétés de production durant les trois premières années de leur existence
Non obligation de payements des impôts sur les bénéficies pour toute nouvelle société de production pendant les trois premières années de sa création. Ceci est un accompagnement de la part de l’état pour les nouveaux entrepreneurs culturels face aux difficultés de démarrage. En contrepartie, tout « nouveau » producteur doit produire au moins un court-métrage cinématographique par an pendant ces trois années pour pouvoir bénéficier de cet avantage.
9 – Avantager fiscalement la création de nouvelles salles de cinéma
Pour que le secteur cinématographique soit relancé, il faut qu’un tissu d’anciennes et nouvelles salles soit crée. Il faut encourager les entrepreneurs culturels désirant récupérer ou construire des nouvelles salles à travers des prêts, des subventions et des avantages (par exemple l’achat des terrains pour la construction d’une nouvelle salle à des prix très avantageux, médiatiser davantage le fond d’aide pour les projets culturels, etc.)
10 – Instaurer le « guichet unique »
L’autorisation de tournage délivrée par le Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine ne suffit pas pour l’accès immédiat à tous les sites, ce qui pose plusieurs difficultés au producteur pendant les étapes de la préparation et du tournage. Il faudra regrouper tous les représentants des ministères, agences et offices dans un seul lieu qui sera le « guichet unique » délivrant une seule autorisation de tournage dans un délai ne dépassant pas les 10 jours de la date de demande.
Le guichet unique regroupera :
- Le Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine.
- Le Ministère de la Défense.
- Le Ministère de l’Intérieur.
- L’Office de l’Aviation Civile.
- La direction générale des Douanes.
- L’Agence Tunisienne de la Communication Externe.
11 – Encourager, promouvoir et réguler les tournages des films étrangers en Tunisie
Il serait utile de créer un département au sein du futur Centre Tunisien de la Cinématographie pour la promotion de la Tunisie comme immense plateau de tournage pour les productions étrangères et veiller au bon déroulement de ces tournages. Il faudra mettre une stratégie de promotion via Internet, les télés, pendant les marchés des festivals, collaborer avec nos ambassades à l’étranger et les ambassades des pays étrangers présents en Tunisie et surtout mettre un mécanisme facilitant tout tournage étranger en Tunisie :
- Réduction de 50% des billets d’avion pour toute l’équipe de production étrangère
- Prise en charge par le C.T.C. des frais de séjour du producteur et le réalisateur du film étranger dans un hôtel pendant une semaine durant les préparations.
- Réduction des frais pour les préparations ou/et les tournages dans les musées et les sites historique.
- Exonération de la taxe (15%) pour les salaires des comédiens et des techniciens et la participation dans la charge sociale (26%) lorsque le budget des dépenses en Tunisie dépasse 2 millions de dinars.
- Avantages d’échange de l’argent pour tout projet dont le budget des dépenses en Tunisie dépasse 2 millions de dinars.
- Etc.
12 – Créer un site web du Centre Tunisien de la Cinématographie
Le site exposera la ligne directrice et les missions du centre, les lois régissant la cinématographie nationale, toutes les coordonnées des différents syndicats, organismes, agences, fédérations, associations, etc., qui ont un lien direct avec le cinéma... Le site sera un moyen de communication auprès des autres centres internationaux, ainsi qu’une plateforme d’échange pour les professionnels et tout amateur de cinéma.
C - CONCLUSION
La création d’un Centre Tunisien de la Cinématographie indépendant structurellement et puissant financièrement est donc une condition sine qua non pour la réforme et le développement de l’art et de l’industrie cinématographiques en Tunisie. C’est le premier grand pas à entreprendre de toute urgence et à réussir de toutes manières. Or dans ces conditions, il est aisé de prédire que la création de ce C.T.C. et le début effectif de ses travaux sont à envisager à moyen terme. En attendant, nombreux sont les petits pas qui doivent être entrepris et réalisés et dont le lancement du C.T.C. sera une suite logique.